VIE BREVE D'UNE PAUVRE FILLE

Fuyant à jamais la wassingue,

Pour un bock et deux harengs

Elle a vendu ses quinze ans.

Annie Hupé

c'est aussi un très court poème pangramme dans la lignée de ceux-ci :

http://www2.iap.fr/users/esposito/oulipo14.html#080906

Je fus écrivain.
Il aurait été l'un des nègres de Philip Roth.

Je serai Robin des Bois.
Il fut embrigadé mendiant, fermement invité à reverser, le soir venu, à son protecteur, les oboles reçues.

Je serai Blanche-Neige.
Elle fut effectivement fée du logis - un vrai modèle hollywoodien, d'un courage indicible. Cinq des septuplés moururent en bas âge.

Je serai kamikaze, yalla !
Il fut espionné, questionné, abattu dès avant d'avoir vécu ce destin divin.

Je serai un autre !
Il fut, m'a-t-on dit, amputé d'une jambe.

Je serai celui qui.
Il fut le seul à pas.

Je serai Président.
Il sera comme les autres le petit roquet de ses maîtres.

Je serai le prochain gagnant à l'Euro-Millions.
Il fut surpris par la dévaluation, pilule amère du lendemain.

Je serai rock'n'roll star.
Il fut obligé de se suicider - question de parts de marché, tu comprends. D'autres candidats pleurèrent hurlant sa mémoire.

Je serai l'homme de la situation.
Il fut ours polaire. Mauvais karma, quoi (une sorte de bug, si tu veux).

Je serai l'ombre de ton ombre.
Son inconscient lui réservait un chien de sa chienne.

Je serai le nouveau Vincent Van Gogh.
Il fut, aussi, celui qui pressa la gâchette.

Je serai conceptuel.
Il ne fut pas niais, per se. C'est idiot, je sais, moi aussi.

Je serai patineuse, étoile aux lames fines.
Elle fut serveuse top-less, roulant pour la marine
Car ROLL’IN

Annie Hupé

c'est aussi une sollicitude : http://www.oulipo.net/contraintes/document19729.html

Je serai fée, j'irai, touchant de ma baguette...
Elle fut au recyclage employée par TRI-NET.
Qu'a TRI-NET?

Annie Hupé

c'est aussi une sollicitude : http://www.oulipo.net/contraintes/document19729.html

Je serai maître célèbre, autant que Léonard depuis la Joconde !
Il fut peintre peut-être, et pourtant peu titré pour ses piètres portraits, car moqué du surnom "le Lapin dur à l'Huile" ; opiniâtre du moins, il citait à l'envi "Vingt fois au chevalet remettons notre croûte".

Robert Rapilly

EXEMPLES A (NE PAS) SUIVRE

Petite idée de "contrainte", à vrai dire, comme le souffle un ami, plutôt une "structure". Il s'agit d'historiettes à démarreurs. Proches, comme le signale l'ami, des "nouvelles en trois lignes" de Fénéon (http://fayardandco.free.fr/feneon/feneon.htm), on va dire : "deux, trois phrases maximum", comme propose de le fixer un autre ami.

Il y a deux démarreurs, constitués tous deux d'un pronom et d'un verbe conjugué - "être" de préférence.

Un premier démarreur, donc, un coup(le) bref : "Je serai... "

Un deuxième, tout aussi obligatoire, au début de l'historiette qui suit (deux phrases maximum), en contre-pied, exprimant l'échec (ou la contradiction) de l'affirmation première : "Il fut..."

Un exemple définissant la proposition, et d'autres ? Voici

Exemple-définition :

JE SERAI BREF (BREVE) : un substantif, un adjectif, un nom propre, un titre d'oeuvre, une citation, raccourcie ou non..
IL (ELLE) FUT PLUS EXPLICITE : ne se perdant qu'à moitié dans quelques circonlocutions d'un délire contrôlé, jeux de mots, sur les sons, les situations, références, rythme plus ou moins proche de l'alexandrin, du mirliton ou du caramel mou, tout en gardant le cap donné par la première phrase.

Exemple a minima :

Je serai riche et célèbre.
Il fut très riche, et très célèbre, et vous en devinez la fin.

Autres exemples :

Je serai votre serviteur.
Il fut son seul maître. Elle le quitta.

Je serai baïkonaute.
Il fut tailleur - ce qui n'est déjà pas si mal quand on rêve d'espace -, en Angleterre d'ailleurs. Il mourut pauvre cependant, contrairement à ce que nous a rapporté la légende Assimil.

Je serai une femme.
Il fut abattu dans un bar à travelos. (C'était pour rire, heureusement, dans un Almodovar.)

Je serai un homme, papa.
Il fut l'amant de sa mère, aveugle, un complexe, un mot dans les dictionnaires.

Je serai samovar.
Il fut raillé pour cet involontaire jeu de mots, plutôt signe d'inculture selon ses proches que d'imagination. Votre poésie, lui dit-on plus tard, n'est pas toujours belle à voir.

Je serai toujours un enfant.
Il fut prince dans plein de villes (mais il resta, aussi, fort laid).

Je serai samouraï.
Il finit - après les plus invraisemblables et sordides de ces rebondissements dont les authentiques faits divers belges ont le secret, en passant par la mafia de la construction, par exemple - en sauce, marié à la graisse de boeuf.

Je serai un génie.
Il fut ingénieur, prolétarisé dans le plus important des sous-services à la clientèle d'une grande marque d'électro-ménager, mais spécialisé dans l'improvement des becs verseurs de théières électriques.

Je serai plus sérieux demain.
Il fut aussitôt renversé par une Cadillac Eldorado.

Voilà, donc, quelques exemples.

On peut aussi imaginer, disais-je (l'a-je déjà ?) en cas de panne, ou par plaisir, changer de démarreurs, pour autant qu'on garde l'idée de base, deux pronoms, le verbe être (sauf exception) conjugué à toutes les sauces.

Par exemple :

Je suis né.
J'aurais été bien des choses en somme.

Personnellement mes préférés seront les "Je fus - Il aurait été"

Je fus un soir d'été.
Il aurait été, aussi, chanteur pour femmes finissantes.

Je fus le Ténébreux.
Il aurait été jusqu'à traverser deux fois l'Achéron pour retrouver sa pâleur.

Je fus maillot jaune.
Il aurait été "entraîné" dans cette aventure à petit insu de grand plein gré.

Je fus William Shakespeare.
Il aurait été plusieurs personnes (sans compter les personnages).

Je fus votre humble serviteur.
Il aurait été, a contrario, moins modeste et plus tranchant.

Je fus chanteur.
Il aurait été, selon ses propres dires, jeté dans l'Indre par tout son fan-club. Une vie de dingue...

Je fus torturé.
Il aurait été libérateur.

Je fus de chêne.
Il aurait été meuble, et bien d'autres choses encor, massives assurément.

Je fusil d'épaule.
Il aurait été toujours mieux ailleurs.

Je fus fumeur.
Il aurait été.

Je fus, surtout, jamais Paul Claudel !
Il aurait fini poète aux poubelles
Du Panthéon pour pas un rondel...

Patrice